“Anorexie et désir mimétique” : le JFP relance le débat
vendredi 23 octobre 2009
Dans le Journal Français de Psychiatrie, le psychanalyste Jean-Louis Chassaing revient sur Anorexie et désir mimétique de René Girard. Celui-ci se montre parfois ironique envers l’approche psychanalytique, et Jean-Louis Chassaing ne se prive pas d’ironiser à son tour sur l’approche girardienne, mais il reconnaît aussi tout ce que René Girard apporte au débat :
« C’est dans cette relative nouvelle collection “Les Carnets de l’Herne” que paraît en 2008 une réflexion et une conversation avec René Girard à propos de l’anorexie. (…) Il s’agit d’une traduction de l’anglais par Olivia Mauriac et Mark R. Anspach d’une conférence donnée au colloque de COV&R à Chicago, en 1995, publiée dans Contagion (…) La conversation, réalisée à Paris et datée de décembre 2007, est menée par Mark R. Anspach et Laurence Tacou, laquelle dirige la collection (…) Une Introduction en est donnée par Mark R. Anspach, et une Préface par Jean-Michel Oughourlian. Ce dernier, psychiatre, m’est connu par un de ses premiers écrits, qui a fait date, intitulé La personne du toxicomane ; Privat, 1978, 1re éd. Mark R. Anspach a dirigé et publié de nombreux livres, la plupart ayant trait au don, à la violence, aux “figures élémentaires de la réciprocité ”, à la théorie du mimétisme (…)
Il y a dans ces textes de grandes ressemblances cliniques et de profondes différences entre ces théories basées sur les concepts de René Girard — mimétisme, violence, rivalité compétitive, sacrifice, bouc émissaire — et la théorisation psychanalytique. La “concurrence des victimes” n’est pas sans résonner non plus avec une actualité bien établie depuis quelques temps chez nous ! (…) Tout cela est bien intéressant et, par delà les différences inévitables des théories, il faut lire ces pages, surprenantes de la part de René Girard, que l’on n’aurait pas cru intéressé par l’anorexie, et qui cependant avec cette application du concept de mimétisme colle très bien… avec l’anorexie ! (…) Girard passe en revue tous les symptômes — qu’il n’appelle mon Dieu pas ainsi… ! — de l’anorexie et avec humour à propos de l’exercice forcené, des anorexiques mais aussi des joggers, il parle de la possibilité d’un nouveau syndrome, la gymnastica nervosa. Dans son humour il n’est pas loin de la réalité d’aujourd’hui puisqu’il poursuit, en 1995 donc, “bientôt on parlera de boulimie du jogging” ! Addictologues, à vos start up ! Ce petit livre est fort intéressant, à la fois clinique est analysant le social. (…)
Ainsi, après des fondamentaux du début de la pensée de René Girard, La violence et le sacré (1972), Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), Le bouc émissaire (1982), La route antique des hommes pervers (1985), ce petit opuscule, support clinique et réflexion sur notre culture, avec les concepts de René Girard, nous permet de vérifier dans une autre pensée le bien-fondé de nos propres théories, et de nous ouvrir à une autre représentation de ce que nous connaissons de cette conduite particulière. »
Journal Français de Psychiatrie, N° 32, 2009