René Girard
Né le 25 décembre 1923, René Girard, une fois diplômé de l’École des chartes, émigre aux États-Unis pour y enseigner le français puis sa véritable passion, la littérature — notamment aux universités de Duke et de Stanford. De profondes intuitions lui font sentir que seul le roman, par la sensibilité des grands romanciers, est capable de dévoiler la nature mimétique du désir humain. Cette théorie, à la fois de l’homme et du roman, est développée dans son ouvrage fondateur Mensonge romantique et vérité romanesque (1961). Cette plongée dans les abysses de la nature humaine pousse René Girard à écrire La violence et le sacré (1972), base d’une nouvelle anthropologie de la violence et du religieux qui cherche à expliquer comment les sociétés archaïques, en proie à la mimésis, supportent les rivalités violentes qui en découlent. L’idée clé est celle du lynchage fondateur d’une victime émissaire, lequel établit l’unité du groupe, et ce si efficacement qu’en retour il divinise la victime et reproduit ce lynchage rituellement : voilà, selon René Girard, l’origine du sacré et l’envers de tous les mythes. Ces choses cachées depuis la fondation du monde feront le titre d’un ouvrage paru en 1978 qui consacre le troisième moment de sa pensée, un moment chrétien. Pour René Girard, la Bible a ceci de différent des autres mythes qu’elle perçoit le lynchage de la victime émissaire non par les yeux des persécuteurs, mais par ceux de la victime ; cette originalité le pousse, à la suite de Simone Weil, à considérer la parole évangélique comme porteuse d’une vérité anthropologique et comme un antidote à la violence mimétique. Les maux des sociétés contemporaines s’éclairent avec les analyses de l’académicien, lesquelles démarrent avec l’idée selon laquelle le christianisme, ayant engendré l’individualisme et la fin des interdits religieux, a programmé sa propre fin. Ainsi, par exemple, l’anorexie tire-t-elle son origine dans la mimésis sans limite des sociétés modernes où les modèles sont nos semblables ; le politiquement correct, lui, est un christianisme caricatural, parodique même, où le souci de la victime est tel « qu’on persécute en son nom » — signes, selon René Girard, annonçant l’Apocalypse, laquelle est traitée sous l’aspect des rivalités à l’échelle mondiale dans Achever Clausewitz (2007).