Écrits politiques
Octave MirbeauAvant-propos de François L’Yvonnet
Les textes que nous publions sont liés entre eux par l’affaire Dreyfus. Mais ils n’en parlent pas tous directement, ce qui n’intéresserait que l’historien. À l’occasion de l’ « Affaire », Octave Mirbeau met sa plume au service de la contestation. Il s’agit en effet d’un de nos plus éminents écrivains contestataires, qui fait même de la contestation une catégorie esthétique, autant que politique. Pamphlétaire redouté, résolument libertaire (il se rallie officiellement à l’anarchisme en 1890), il s’élèvera contre l’arbitraire, sous toutes ses formes, contre la censure, contre les collusions de la Justice et de l’armée, de l’Église et des riches. C’est lui qui rédigea le texte de la pétition des intellectuels, au moment de l’affaire Dreyfus, qui paraît dans l’Aurore, le 16 janvier 1898. S’il s’est parfois trompé d’adversaire, il en conviendra toujours honnêtement. Il incarnera longtemps, une certain esprit « français ».
« L’injustice qui frappe un être vivant – fût-il ton ennemi – te frappe du même coup. Par elle, l’Humanité est lésée en vous deux. Tu dois en poursuivre la réparation, sans relâche, l’imposer par ta volonté, et, si on te la refuse, l’arracher par la force, au besoin. En le défendant, celui qu’oppriment toutes les forces brutales, toutes les passions d’une société déclinante, c’est toi que tu défends en lui, ce sont les tiens, c’est ton droit à la liberté, et à la vie, si précairement conquis, au prix de combien de sang ! Il n’est donc pas bon que tu te désintéresses d’un abominable conflit où c’est la Justice, où c’est la Liberté, où c’est la Vie qui sont en jeu et qu’on égorge ignominieusement, dans un autre. Demain, c’est en toi qu’on les égorgera une fois de plus… »