L’art de ne pas être dupe des fripons
Honoré de BalzacLa France d’après Waterloo se trouve brutalement précipitée dans un monde nouveau, celui de la révolution industrielle où les rêves de gloire sont remplacés par l’argent. S’enrichir par n’importe quel moyen devient la préoccupation générale. Apprenti écrivain encore inconnu et tirant le diable par la queue, Balzac, sous le fallacieux prétexte de mettre en garde ses contemporains contre les escrocs de tous poils, en dresse une liste exhaustive allant du voleur à la tire jusqu’à l’homme d’affaire véreux sans oublier l’État lui-même.
Relire aujourd’hui ce véritable manuel de l’art de voler son prochain, c’est découvrir que son auteur, non seulement y préfigure La Comédie humaine, mais aussi se montre étonnement prémonitoire, à près de deux siècles de distance, quant à la place de l’argent dans notre société.
L’argent, par le temps qui court, donne le plaisir, la considération, les amis, les succès, les talents, l’esprit même ; ce doux métal doit donc être l’objet constant de l’amour et de la sollicitude des mortels de tout âge, de toute condition, depuis les rois jusqu’aux grisettes, depuis les propriétaires jusqu’aux émigrés. […] L’homme honnête, à qui nous dédions notre livre, est celui-ci : Un jeune homme encore, aimant les plaisirs, riche ou gagnant de l’argent avec facilité par une industrie légitime, d’une probité sévère, soit qu’elle agisse politiquement, en famille ou au dehors, gai, spirituel, franc, simple, noble, généreux.